Synthèse du colloque « La procédure dans les modes de résolution extrajudiciaire des litiges », par Claudia Nardinocchi

Le jeudi 23 janvier 2014 a eu lieu, à la Maison du Barreau de Paris, un colloque ayant pour thème « La procédure dans les modes de résolution extrajudiciaire des litiges » organisé par l’ACE-REL (Avocats Conseils d’Entreprise – Règlement Extrajudiciaire des Litiges) et l’Association Droit et Procédure, avec la collaboration du Master Arbitrage & Commerce international qui est en partenariat avec l’ACE-REL (http://www.maci.uvsq.fr/?mod=page&act=display&aid=73). Ce colloque fut l’occasion de débattre du rôle de la procédure dans les modes extrajudiciaire de règlement des conflits, en évoquant les visions transversales illustrées par des experts en la matière. Au lendemain de l’« année de la médiation », annoncée dès le 25 avril 2012 par l’ancien Bâtonnier, cette pratique a été le sujet principal de la conférence.

Tout d’abord, il convenait de délimiter le périmètre des MERL (mode extrajudiciaire de règlement des litiges) qui ont fait l’objet du débat. Ils sont au nombre de quatre : la conciliation, la médiation, l’arbitrage, et la procédure participative. Comme évoqué par le professeur Pascal Ancel lors d’un colloque à l’université de Créteil, ces modes viennent « en complément de la procédure judiciaire ».

Le premier intervenant, Maître Antoine Kirry, a ouvert la conférence en rappelant que ces MERL procèdent du contrat. Il s’est ensuite interrogé sur les règles contractuelles qui ont pour effet de modeler les obligations des parties dans ces procédures. A cet égard, il a traité du principe de bonne foi dans la conduite des procédures. Cela se traduit en arbitrage par une devoir de ne pas se contredire (venire contra factum proprium), principe qui renvoie à la figure anglaise de l’estoppel. De ce principe de bonne foi découle ceux de la loyauté et de la confidentialité. Cette dernière est expressément prévue par le Code de procédure civile pour la médiation, l’arbitrage interne ainsi que pour la conciliation. Elle n’a, en revanche, pas encore été appréhendée par les textes et la jurisprudence pour la procédure participative.

La conférence s’est poursuivie avec une présentation du professeur Emmanuel Jeuland des principes empruntés au procès applicable aux MERL. Ils relèvent de trois générations : les principes directeurs qui figurent au titre premier du Code de procédure civile (contradictoire, dispositif, etc.) ; les principes du procès équitable (impartialité, droit du juge ainsi que égalité des armes) ; les principes managériaux (concentration des moyens, structuration des écritures). Après avoir fait part de ses doutes sur la médiation, définie comme « un phénomène sociale assez curieux qui a peu à faire avec la contractualisation mais plutôt avec le management de la justice », le professeur Jeuland a illustré le rôle ainsi que l’application de ces principes processuels dans les méthodes extrajudiciaires. Les principes de deuxième génération n’ont pas réellement vocation à s’appliquer aux MERL, alors que les principes directeurs sont pris en considération, à des degrés différents selon le mode envisagé, puisque ces procédures sont régies pas le Code de procédure civile. Mais, ces MERL n’étant rien d’autre qu’une technique de management des conflits, voire une simple « mise en état », ce sont surtout les principes de troisième génération qui trouvent ici leur plein effet.

Le débat a continué avec l’intervention d’un « militant de la médiation », le magistrat Fabrice Vert, très actif dans ce domaine. Prenant le contrepied du Professeur Jeuland, le conseiller Vert a défini cette dernière comme étant « la seule action de confort » face à de longues années de conflit. En effet, il a souligné l’importance des « moments d’humanité dans les procédures » qui, trop souvent, sont oubliés dans les longs règlements judicaires des différends. Il a également analysé la coordination et les passerelles entre les modes de résolution judiciaires et extrajudiciaires, en soulignant l’importance de confier à un médiateur les conflits ne pouvant être résolus par les procédures judiciaires classiques. A cet égard, il a révélé que la médiation est capable d’apporter « des réponses vivantes à une question morte alors que la justice porte une réponse morte aux questions vivantes ». Avec d’extrêmes regrets, il a estimé que l’affirmation du professeur Jeuland, selon laquelle « la médiation judicaire en France ne marche pas », sera exacte aussi longtemps qu’une volonté politique forte n’imposerait pas la médiation, ce qui aurait aussi un bénéfice sur le plan budgétaire.

Le conseiller Vert a terminé son intervention en lançant un appel aux avocats méfiants vis-à-vis de la médiation. Il leur revient, ainsi qu’aux professeurs de droit, de s’occuper de son développement. A défaut, cette dernière sera l’affaire de personnes juridiquement moins expérimentées.

Les échanges se sont poursuivis avec l’intervention de Maître Hélène Poivey-Leclercq qui a minutieusement décrit les différentes issues de la procédure de participative (accord totale, accord partiel, aucun accord), ainsi que le rôle du juge en fonction de l’accord trouvé par les parties.

Le rapport de synthèse, fut réalisé par le directeur du Master Arbitrage & Commerce international, le professeur Thomas Clay. Il a d’abord rappelé l’importante actualité autour de la médiation entre décembre 2013 et janvier 2014. S’appuyant sur ce constat, il a ensuite montré que la justice conciliationnelle n’est pas inférieure à la justice contentieuse, bien au contraire, et qu’il n’était même pas certain que celle-ci soit le modèle que celle-là doit tenter de singer. Il a enfin dégagé les points communs entre ces deux types de justices, et notamment les principes applicables conjointement, comme par exemple les principes de bonne foi et de loyauté.

Le professeur Clay a conclu son a analyse en adhérant à la proposition du conseiller Fabrice Vert, selon lequel une intervention politique sera nécessaire pour permettre enfin un vrai développement de la médiation.

                                                                                                                           Claudia Nardinocchi

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